La vague technologique actuelle peut paraître menaçante car elle permet une automatisation plus large des tâches et parfois la prise de décision par la machine à la place de l’humain. Initialement sectorisées, les innovations technologiques s’interpénètrent, se développent et se répandent à la fois dans plusieurs secteurs. Cet élargissement de domaines liés dans lesquels l’homme confie à la machine des fonctions qu’il se réservait, ne peut être que source d’inquiétude.
Plusieurs études cherchent à cerner les effets sur l’emploi des évolutions technologiques comme la robotique, l’intelligence artificielle, les données de masse ... Les conclusions de ces études doivent être prises avec précaution en référence du passé. Les inquiétudes nées il y a plus de 30 ans sur les pertes d’emploi liées aux progrès technologiques se sont révélées excessives puisque dans cet intervalle, l’emploi a augmenté. Les organismes qui cherchent à quantifier les pertes d’emploi obtiennent des résultats très disparates tant leurs hypothèses de départ et leurs raisonnements peuvent différer. En particulier, ils ne s’intéressent souvent qu’aux pertes d’emploi, sans évaluer l’impact de ces évolutions sociétales en termes de création d’emplois. Cette méthode est simple mais peu fiable. Ainsi, deux études relativement récentes concluent, l’une que la baisse d’emploi aux États Unis dans un avenir de moyen terme serait de 47% quand l’autre évalue cette baisse à 9%.
Le numérique irrigue la plupart des activités et influe sur notre comportement au travail, en famille et dans tous les secteurs de la société. La mise en œuvre de ces nouvelles façons de penser et d’agir est susceptible de créer des filières qui n’existent pas encore, d’avoir un effet sur les normes et par là même sur les marchés et les prix, sur les investissements, le coût du capital et celui du travail…. tous ces indicateurs de l’économie dont la variation est aujourd’hui difficilement prévisible.
La branche du numérique en France regroupe aujourd'hui moins de 4% des salariés. Sa croissance est beaucoup plus forte que la moyenne des autres branches. Néanmoins, avec un tel point de départ, on ne peut pas s’attendre à une création massive d’emploi dans le numérique à court et moyen terme. En revanche, Il faut veiller avec force à développer très en amont un enseignement adapté et à requalifier rapidement ceux qui seront privés d’un emploi devenu obsolète ou inutile grâce à une formation professionnelle réformée et performante. C’est un des grands défis du proche avenir. Alors restons prudents, ces nouvelles technologies supprimeront des métiers, c’est très probable. En revanche rien ne permet d’affirmer qu’elles réduiront le nombre des emplois de façon catastrophique et ne nous laissons pas influencer par des Cassandres, incultes au moins scientifiquement et qui cachent leur ignorance en brandissant des peurs irraisonnées
Luc Uzan